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CDD abusif : « y-a-t-il une définition ? »

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« Nous demandons tout simplement ce qu’est un CDD abusif ? Y a-il une définition ? » interrogeait Laurence Parisot, lundi sur BFM BUSINESS (voir l’article de JURITRAVAIL).

Pas besoin de longues recherches pour apporter une réponse à la présidente du MEDEF: il suffit d’ouvrir le code du travail.

cdd annonce

Un CDD abusif, c’est d’abord un CDD qui ne doit pas être utilisé à la place d’un CDI.

– Article L1242-1 du Code du travail:

Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Dès lors que l’emploi occupé par le salarié répond à un besoin permanent de l’entreprise, le CDD doit être requalifié en CDI (Cass. Soc. 4 décembre 1996 n° de pourvoi 93-44892; Cass. Soc. 8 janvier 1997 n°de pourvoi 95-42069).

Un CDD abusif, c’est encore un CDD qui ne doit pas être utilisé à la place de la période d’essai, pour tester les compétences du salarié sur une période plus longue que celle mentionnée dans la loi ou la convention collective (sur la durée légale de la période d’essai voir l’article du blog), 3 mois, 6 mois, 12 mois, voire plus, selon la durée du CDD.

La photo qui illustre cet article est très précisément l’exemple d’un CDD qui peut être qualifié d’abusif: le salarié se voit proposer un CDD suivi d’une embauche en CDI. Pas de souci pour l’employeur si le CDI promis est signé à la suite du CDD,  le salarié ne s’en plaindra pas. Mais en revanche, si le CDD est rompu et qu’aucun CDI n’est conclu, malgré la promesse, l’employeur s’expose alors à un risque prud’homal certain avec toutes les conséquences financières qui en découlent: versement d’une indemnité de requalification du CDD en CDI (un mois de salaire – article L1245-2), dommages-intérêts pour rupture abusive (un à plusieurs mois de salaire), condamnation de l’employeur à rembourser le Pôle Emploi dans la limite de six mois d’indemnisation si le salarié n’a pas retrouvé d’emploi (article L1235-4)… Pourquoi prendre un tel risque ? Le plus souvent, l’employeur craint de ne pas pouvoir licencier le salarié si son activité baisse car la seule diminution du chiffre d’affaires n’est pas un motif valable de licenciement économique, ou bien il craint de ne pas avoir un motif de licenciement suffisamment sérieux pour être à l’abri d’une condamnation prud’homale en cas de rupture du contrat de travail.

J’ai interrogé l’employeur qui avait affiché cette annonce dans sa vitrine afin de connaître les raisons qui l’avaient conduit à la rédiger ainsi. Sa réponse a été la suivante : « si je ne promets pas un CDI,  j’ai pas de candidatures... ». Alors pourquoi proposer d’abord au salarié un CDD lui ai-je demandé? « Bah il faut bien que je le teste, avant de l’embaucher! « 

La réponse avait le mérite de la franchise, et les intentions du commerçant n’apparaissaient pas malicieuses. Bon nombre d’employeurs se reconnaîtront d’ailleurs dans son raisonnement. Pourquoi prendre le risque de rompre un CDI quand on peut conclure un CDD ? L’avantage du CDD, vous diront certains, c’est que l’on peut se séparer du salarié à la date déterminée si l’on a fait une « erreur de casting »; si, au contraire le CDD s’est bien déroulé, on peut alors proposer un CDI.

Pourtant le risque de contentieux existe bel et bien lorsque l’utilisation du CDD est abusive. Aussi, on ne peut que conseiller aux employeurs de  limiter le recours aux CDD aux seuls cas énoncés par la loi , notamment le remplacement de salariés absents ,  l’accroissement temporaire d’activité, les contrats saisonniers etc. (cf article L1242-2 du code du travail).

On ne peut également que leur conseiller de soigner la rédaction de leur contrat, lequel doit impérativement énoncer le motif , par exemple, « remplacement de Mme X. employée en qualité de …, pendant la durée de son congé de maternité  » ou bien « accroissement temporaire d’activité lié aux soldes d’hiver », outre toutes les mentions légales que doit comporter un CDD (voir les articles L1242-7 et suivants du code du travail). L’article L1242-12 rappelle en effet que « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée (…) ». Cet article énumère ensuite toutes les mentions obligatoires.
Rappelons enfin que le CDD doit être transmis au salarié, au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche (article L1242-13). A défaut, la sanction est également sévère pour l’employeur puisque le CDD peut être requalifié en CDI (article L.1245-1).

 

 

L’auteure de cet article

Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.

Si vous souhaitez une réponse documentée ou un conseil, vous pouvez demander une consultation en ligne avec Maître Lailler ici.

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