La convention d’assurance chômage est annulée: quelles conséquences pour les chômeurs en ce qui concerne le différé d’indemnisation spécifique ?
Le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté ministériel qui rendait obligatoire la nouvelle convention d’assurance chômage du 14 mai 2014.
Diverses associations et salariés avaient en effet demandé au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêté estimant que la nouvelle convention comportait des clauses illégales.
Au centre de la polémique se trouvait notamment le nouveau « différé d’indemnisation spécifique » prévu par l’article 21 du règlement général annexé à la convention (voir l’article publié dans le Blog pratique du droit du travail le 4 novembre 2014: qui est concerné par le nouveau différé d’indemnisation ?).
En effet, l’article 21.2 du Règlement général annexé la Convention du 14 mai 2014 prévoit « un différé spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail, résultant d’un autre motif que celui énoncé à l’article L. 1233-3 du code du travail, ayant donné lieu au versement d’indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative.
- Dans sa décision du 5 octobre 2015, le Conseil d’Etat précise:
« 10. Considérant que le paragraphe 2 de l’article 21 du règlement général annexé à la convention relative à l’indemnisation du chômage prévoit que la prise en charge d’un travailleur privé d’emploi est, s’il y a lieu, reportée à l’expiration d’un différé d’indemnisation « spécifique » calculé à raison des indemnités ou de toute autre somme inhérente à la rupture de son contrat de travail, quelle que soit leur nature, perçues par l’intéressé, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative, dans la limite de 75 jours lorsque le licenciement est fondé sur un motif économique et de 180 jours dans les autres cas ; que cet article prévoit également que si « tout ou partie de ces sommes est versé postérieurement à la fin du contrat de travail (…) les allocations qui, de ce fait, n’auraient pas dû être perçues par l’intéressé, doivent être remboursées » ;
11. Considérant que sont notamment prises en compte, pour calculer la durée de ce différé d’indemnisation, les indemnités allouées à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse excédant le minimum prévu par le deuxième alinéa de l’article L. 1235-3 du code du travail, correspondant aux « salaires des six derniers mois » ; que, toutefois, s’agissant soit d’un salarié licencié alors qu’il comptait moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise, soit d’un salarié licencié par une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, l’ensemble des indemnités allouées est pris compte, l’article L. 1235-5 du code du travail ne prévoyant, dans ces deux cas, aucun minimum légal ;
12. Considérant que les stipulations de l’article 21 du règlement général ont pour objet, dans le souci d’optimiser l’allocation des ressources de l’assurance chômage, de différer, pour une durée limitée, le point de départ du versement de l’allocation due au travailleur privé d’emploi, en fonction d’une appréciation objective des ressources dont il bénéficie, à la date de rupture de son contrat ; que ce différé n’entraîne pas de réduction de la durée des droits qui lui sont ouverts ; que, néanmoins, leur application conduit à limiter les allocations versées dans tous les cas où les intéressés n’épuisent pas leurs droits à ces allocations ;
13. Considérant que l’allocation d’assurance, qui a le caractère d’un revenu de remplacement, n’a pas vocation à se cumuler avec les autres sommes destinées à compenser, pour le travailleur involontairement privé d’emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement, la perte de tout ou partie des rémunérations qu’il aurait perçues si son contrat s’était poursuivi ; que, s’agissant des indemnités allouées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, elles ont pour objet de réparer l’intégralité du préjudice subi par le salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi, qu’il résulte de la perte de sa rémunération ou qu’il soit d’une nature différente ; qu’eu égard à l’objectif d’intérêt général poursuivi par les parties à la convention, qui ont la responsabilité d’assurer l’équilibre financier du régime, il leur était loisible de prévoir qu’une part des ces indemnités, appréciée de façon forfaitaire, serait prise en compte pour déterminer le point de départ du versement de l’allocation d’assurance ; qu’en revanche, en prenant en compte l’intégralité de ces indemnités pour le calcul du différé d’indemnisation des salariés licenciés alors qu’ils comptaient moins de deux ans d’ancienneté ou qu’ils étaient employés par une entreprise comptant moins de onze salariés, elles ont adopté des stipulations aboutissant à ce que certains salariés victimes d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse puissent être privés de l’intégralité des sommes destinées à assurer la réparation du préjudice qui en résulte ; qu’elles ont ainsi porté atteinte au droit de ces salariés d’en obtenir réparation ; qu’il suit de là, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens dirigés contre elles, que les stipulations du paragraphe 2 de l’article 21 du règlement général sont entachées d’illégalité ».
- Le communiqué publié par le Conseil d’Etat rappelle que le « différé d’indemnisation spécifique »tient notamment compte des indemnités accordées par le juge au salarié licencié lorsque le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse. Dans la mesure où la loi prévoit que, dans ce cas, le salarié a droit à un minimum d’indemnité équivalent à six mois de salaire, ces six mois ne sont pas pris en compte pour le calcul du différé d’indemnisation. Toutefois, ce minimum légal ne joue ni pour les salariés qui ont moins de deux ans d’ancienneté ni pour ceux qui travaillent dans des entreprises de moins de onze salariés : c’est le montant total de leur indemnité qui est pris en compte pour le calcul du différé d’indemnisation.
Le Conseil d’État reconnaît qu’il est possible aux partenaires sociaux de prévoir un tel système de « différé d’indemnisation », limité dans sa durée, dans le but d’équilibrer le régime d’assurance chômage. Mais il considère que, si un tel système peut prévoir, de manière forfaitaire, la part d’indemnité à prendre en compte dans le calcul du différé d’indemnisation, pour tenir compte de ce que l’indemnité couvre la perte de revenu du salarié qui ne peut pas normalement se cumuler avec les prestations d’assurance chômage, il ne peut pas, sauf à porter atteinte au droit à réparation des salariés, aller jusqu’à tenir compte de la totalité de l’indemnité octroyée au salarié, qui répare aussi d’autres préjudices que la perte de revenu.
Or s’agissant des salariés de moins de deux ans d’ancienneté ou travaillant dans des entreprises de moins de onze salariés, tout le montant de l’indemnité pour licenciement abusif peut être pris en compte. Le Conseil d’État constate que, ce faisant, le système prévu par la convention porte atteinte au droit à réparation du salarié et est illégal.
Il a par ailleurs constaté que ce mécanisme du « différé d’indemnisation » était un des éléments clés retenus par les partenaires sociaux pour assurer l’équilibre de l’assurance chômage, et notamment pour compenser le coût de mesures nouvelles visant à inciter à la reprise d’un emploi. L’illégalité des modalités du « différé d’indemnisation » remet donc en cause l’ensemble de la convention ».
- Le Conseil d’Etat a par conséquent déclaré illégales les stipulations de l’article 21.2 du Règlement Général. Quelles sont les conséquences pour les chômeurs ?
Pour le moment aucune puisque, en ce qui concerne le différé spécifique, l’annulation de l’arrêté ministériel d’agrément de la convention ne sera effective qu’au 1er mars 2016.
Le Conseil d’Etat a en effet considéré qu’une annulation immédiate de l’arrêté ministériel d’agrément de la convention relative à l’assurance chômage impliquerait une rupture de la continuité du régime d’assurance chômage, du fait de la disparition des règles régissant le recouvrement des cotisations et le versement des allocations.
Il a donc décidé de différer son annulation au 1er mars 2016, sauf pour certaines dispositions, concernant la récupération des prestations versées à tort et les obligations déclaratives des assurés, illégales aussi pour d’autres motifs, qui sont divisibles du reste de la convention et sont annulées immédiatement.
La convention restera donc applicable jusqu’au 1er mars 2016, à l’exception des dispositions annulées immédiatement. Elle ne pourra plus l’être ultérieurement. Une nouvelle convention devra être signée et agréée pour fixer les règles applicables à partir du 1er mars 2016.
Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.
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Bonjour, J’ai beau lire et relire je n’y comprends rien !
Licenciée (rupture conventionnelle dénoncée) en Octobre 2014, indemnisée seulement en MARS 2015, cela est il RETROACTIF ? Avons nous un recours pour demander l’annulation de cette carence de Polemploi ?
Merci d’être clair dans vos réponses…
Bonjour Maitre,
Ayant rompu mon contrat de travail au travers d’une rupture comventionnelle en date du 06/05/2016, Suis je concerne par le differe d’indemnisation de 6 mois. En effet, j’ai reçu un courrier de pole emploi me confirmant que la convention assedic de 2014 etaiy toujours valable…
Dans l’attente de vous lire,
Bien à vous,
Maitre,
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Ayant été licenciée (« abusivement » sans être arrivé à le faire reconnaître pour l’instant)
par courrier en date du 25 juin 2014, Pôle-emploi a statué sur mon sort à la fin de ma période de préavis de licenciement soit après le 27 octobre 2014,
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Pourrais je réclamer à Pole-Emploi de ne pas subir le différé d’indemnisation augmenté de manière abusive par cette convention déclarée illégale, intégrant ou prenant en compte une indemnité de licenciement « plus généreuse » que la convention légale, conformément à la convention interne en vigueur ( pour les personnes de plus de 55 ans et de plus de 8 ans d’activité ) dans ma dernière entreprise depuis 2007,
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en m’appuyant sur certains éléments contextuels du licenciement évoqués ci-dessus ?
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En vous remerciant pour toutes suggestions,
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Cordialement,
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Mauricette, Informaticienne sur Paris,
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PS : Merci de conserver le contenu de ce mail dans toute réponse, SVP
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Maître,
Le différé d’indemnisation est illégal et le dispositif de retenu est annulé dès la date de l’arrêt.
POLE EMPLOI sur son site invite les demandeurs d’emploi à prendre des accords.
A défaut POLE EMPLOI sera contraint d’assigner les personnes devant les juridictions judiciaires.
Le risque de contentieux est réel car le dispositif est déclaré illégal par le CE et que l’exception d’illégalité peut être soulevée devant le juge judiciaire.
Par ailleurs, au visa de la décision du conseil d’Etat figurait le préambule de la constitution (principe d’égalité), la CEDH et son protocole additionnel (accès effectif au juge+ droit au respect de la créance bien protégé), la convention OIT 158…