Fumer sur son lieu de travail après son service et insulter un surveillant justifie un licenciement pour faute grave
C’est ce qu’a jugé la Cour d’appel de Lyon, décision confirmée le 16 octobre 2013 par la Cour de cassation
- Les faits:
Sabrina X. serveuse au sein d’un établissement de restauration à Lyon, décide de prendre un verre sur son lieu de travail, après son service, en compagnie de collègues et de son ami; jusqu’ici tout va bien. Le problème survient lorsque le groupe se met à fumer alors qu’il se trouve installé en zone non fumeur.
L’agent de sécurité de l’établissement demande à Sabrina X et ses amis de se déplacer vers la zone dédiée aux fumeurs mais se fait vertement accueillir par la serveuse qui lui tient alors des propos à connotation raciste.
- L’employeur licencie Sabrina X pour faute grave.
Il estime :
– d’une part, que Sabrina X. a transgressé délibérément et ostensiblement la règle édictée par l’employeur au mépris des autres clients non fumeurs de l’établissement et a ainsi agi de façon déloyale; que de plus, le fait de fumer à cet emplacement était de nature à inciter d’autres personnes à passer outre à l’interdiction et à faire perdre tout crédit à la règle instaurée;
– d’autre part, que la tenue de propos insultants à connotation raciste à l’égard d’un membre du personnel a été source d’un trouble pour l’entreprise puisque le surveillant a été déstabilisé au point de ne pas pouvoir continuer son service; que le caractère public de ces propos était d’autre part de nature à jeter le discrédit sur l’image et sur la politique de l’entreprise en matière de respect des personnes.
– peu importe que ces incidents se soient produits en dehors des heures de travail de la salariée; cela ne leur fait pas perdre leur caractère disciplinaire; leur conjugaison est de nature à faire perdre à l’employeur la confiance nécessaire au maintien de la relation de travail et à rendre impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.
- La salariée saisit le Conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel de Lyon qui la déboute de l’ensemble de ses demandes de dommages-intérêts et indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- La Cour d’appel estime que le licenciement de Sabrina X. est fondé sur une faute grave: un fait tiré de la vie personnelle du salarié peut constituer une faute grave lorsqu’il a causé un trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise et la tenue de propos insultants à connotation raciste à l’égard d’un membre du personnel, même en dehors du temps de travail présente un caractère fautif du seul fait qu’elle a été la source d’un trouble et qu’elle a jeté le discrédit sur l’image et la politique de l’entreprise.
- Sabrina X forme alors un pourvoi en cassation contre cette décision estimant que la Cour d’appel a violé l’article L1331-1 du Code du travail et l’article 9 du code civil.
L’article L1331-1 du code du travail relatif aux sanctions disciplinaires précise:
Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L’article 9 alinéa 1er du code civil précise que « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».
- La Cour de cassation rejette le pourvoi en cassation de Sabrina X.
Elle relève que la salariée avait, d’une part, ostensiblement violé l’interdiction de fumer imposée dans la zone non fumeur de l’établissement affectant ainsi l’obligation de l’employeur d’assurer le respect de la législation en matière de santé publique, et, d’autre part, tenu des propos à connotation raciste à l’égard d’un membre du personnel et juge que la cour d’appel a pu décider que ces faits, qui se rattachaient à la vie de l’entreprise, étaient de nature à y rendre impossible le maintien de l’intéressée et constituaient une faute grave.
Ce qu’il faut retenir: en principe, un fait commis par un salarié dans sa vie personnelle ne ne peut donner lieu à une sanction disciplinaire; par exception, si ce fait se rattache à la vie professionnelle du salarié, cela peut justifier une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.
C’est ce qui a été jugé par exemple pour un salarié qui avait utilisé le véhicule de l’entreprise laissé à sa disposition le week-end, afin de commettre un vol (Cass. soc. 18 mai 2011 n°10-11907).
Source: Cour de cassation, chambre sociale, 16 octobre 2013, pourvoi n°12-19670
Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.
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