Pourquoi les conseillers prud’hommes portent-ils une médaille ?
Les conseillers prud’hommes, contrairement aux autres juges, ne portent pas la robe.
Ils ont pour seul signe distinctif une médaille, de couleur or pour le président d’audience, et de couleur agent pour les assesseurs.
La médaille, ronde, est attachée à un ruban rouge et bleu. Sur la face est représentée une Marianne de profil ; le revers est lisse afin de pouvoir accueillir une gravure personnalisée. Certains conseils de prud’hommes ont choisi de personnaliser les médailles en y faisant graver le nom de leur conseil.
Autrefois, la médaille portait la devise du conseiller prud’homme: « SERVAT ET CONCILIAT », formule latine signifiant SERVIR et CONCILIER.
Ainsi que le précisent certains auteurs, « si l’inscription a disparu, le principe demeure d’actualité » (Michel Pierchon et Guy-Patrice Quetant, « Le Conseil de prud’hommes », 2ème éd., 2009).
L’article D1442-25 du code du travail précise :
« Les membres du conseil de prud’hommes portent, soit à l’audience, soit dans les cérémonies publiques, suspendue à un ruban, en sautoir, une médaille signe de leurs fonctions. Cette médaille est en bronze doré pour le président du conseil de prud’hommes et, à l’audience, pour le président du bureau de jugement. Elle est en bronze argenté pour les autres conseillers. D’un module de 65 mm, elle porte à l’avers la mention République française et une tête symbolisant la République, placée de profil, tournée à droite.
La médaille est suspendue à un ruban d’une largeur de 75 mm au moyen d’une attache d’une largeur de 75 mm portant un rameau d’olivier. Ce ruban est divisé dans le sens vertical en deux parties égales, rouge et bleue ».
Le port de la médaille est obligatoire à l’audience (avis du Conseil d’Etat – 19 avril 1983).
Les Conseillers doivent uniquement porter la médaille et s’abstenir de porter à l’audience tout autre signe qui pourrait faire douter de leur impartialité et constituer, ainsi, un manquement à leur obligation de réserve.
C’est ce qu’a rappelé le Garde des sceaux dans un courrier qui avait été adressé en 1985 au président du conseil de prud’hommes de Créteil, au sujet du port du badge « Touche pas à mon pote ».
« Votre attention a été appelée par Mme le président du Conseil de Prud’hommes de Créteil sur les difficultés qu’entraîne pour le fonctionnement de cette juridiction le port par certains de ses membres aux audiences du badge « Touche pas à mon pote »
Vous signalez que le refus de siéger opposé alors par d’autres conseillers prud’hommes a rendu nécessaire le report des affaires inscrites à des audiences du mois de juin 1985.
Il vous apparaît qu’un conseiller prud’homme manque à son obligation de réserve en arborant à l’audience un tel insigne et vous proposez d’intervenir en ce sens auprès du président et du vice-président du Conseil de Prud’hommes de Créteil.
J’ai l’honneur de vous faire connaître que cette proposition rencontre mon agrément.
A cet égard, il conviendrait de rappeler aux responsables du Conseil de Prud’hommes de Créteil qu’un juge, quel qu’il soit’ ne peut porter lorsqu’il siège aucun signe distinctif à l’exception de ceux prévus par les textes et que, dans ce cas particulier des conseillers prud’hommes, seule la médaille prévue par l’article R. 512-12 du Code du Travail peut et doit être portée à l’audience » (source: portail-droit-social.fr).
En revanche, les Conseillers peuvent porter les décorations officielles, telles que Légion d’honneur ou Ordre national du mérite.
Les médailles sont conservées par les greffiers en chef des Conseils de prud’hommes, qui doivent prendre « toute disposition utile à leur préservation ». Une circulaire du 26 janvier 1982 recommande de déposer les médailles dans un local non accessible au public, précisant que le coffre-fort du Conseil peut être utilisé à cet effet.
Chaque conseiller peut, à titre personnel, acquérir une médaille auprès de la Direction des monnaies tant en cours de mandat qu’à l’expiration de sa mission (Circ. min. no SJ 88-14-AB1/5-10-88, 5 oct. 1988, BO Just. 1988, no 32).
- le port de la médaille en sautoir est obligatoire pour les conseillers prud’hommes dans l’exercice de leurs fonctions à l’audience
C’est ce qui a été précisé par le Ministre de la Justice dans une lettre du 2 mars 1983 adressée au vice-président du Conseil de Prud’hommes de Toulouse :
« Faisant suite aux correspondances échangées au sujet des difficultés que soulève au Conseil de Prud’hommes de Toulouse le port par les conseillers prud’hommes de la médaille d’audience, j’ai l’honneur de vous faire connaître que le Conseil d’Etat a été appelé à donner son avis sur la portée des dispositions de l’article D1442-25 (ex art R. 512-12) du Code du travail.
La question posée était celle de savoir si, en vertu de l’article précité, le port de la médaille en sautoir, par les conseillers prud’hommes dans l’exercice de leurs fonctions à l’audience, présente pour les intéressés un caractère obligatoire ou facultatif.
Il ressort de l’avis exprimé à cet égard par la Haute Assemblée qu’aux termes de l’article R. 512.12, 1er alinéa, du Code du travail « les membres du Conseil de Prud’hommes portent, soit à l’audience, soit dans les cérémonies publiques, suspendue à un ruban, en sautoir, une médaille signe de leurs fonctions ».
Cette disposition procède de la répétition d’un article d’une ordonnance du 12 novembre 1828, reproduit à l’article 57 de la loi du 27 mars 1907 concernant les Conseils de Prud’hommes, et elle a été constamment entendue comme signifiant que la médaille doit être portée à la fois dans les cérémonies publiques et aux audiences. Elle traduit en effet le souci d’assurer aux juges du contrat de travail une manifestation extérieure du pouvoir qu’ils tiennent de leur investiture.
Si la conjonction « soit » deux fois énoncée exprime, selon la grammaire, une alternative, déduire de ce tour de phrase que l’article R. 512.12 ouvre aux conseillers prud’hommes la faculté d’arborer le signe de leurs fonctions dans l’une ou l’autre, à leur choix, des deux circonstances mentionnées audit article aboutirait à priver le texte de portée. S’il a paru nécessaire d’instituer un signe distinctif des fonctions de Conseiller Prud’hommes, l’on voit mal pourquoi un conseiller prud’homme serait, à son gré, dispensé de porter la médaille à l’audience par le seul fait de l’avoir arborée dans une cérémonie publique ou inversement. La disposition en cause est, compte tenu de son objet, manifestement applicable à l’une comme à l’autre des deux circonstances.
Il découle de ce qui précède, que, compte tenu des termes de l’article R. 512.12 qui figure à la section première « organisation et fonctionnement de la juridiction » du chapitre II du titre premier du livre cinquième du Code du travail, le port de la médaille en sautoir est obligatoire pour les conseillers prud’hommes dans l’exercice de leurs fonctions à l’audience« (source: Portail du droit social).
- Que se passe-t-il si un conseiller ne porte pas sa médaille à l’audience ?
Il ne semble pas que l’absence de médaille à l’audience puisse constituer une cause de nullité du jugement; il s’agit en revanche d’un manquement du conseiller aux devoirs de sa fonction.
Précisons enfin que le devoir de réserve des conseillers prud’hommes ne les autorise pas à apposer sur leurs véhicules une cocarde ou un macaron mentionnant leur qualité (Circ. min. no SJ 88-10 AB1, 6 juin 1988).
Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.
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Je ne suis pas d’accord avec l’allégation erronée de MAJOR soutenant que les conseillers prud’hommes ne portent pas la robe afin de les distinguer des magistrats professionnels.
En effet,comment expliquerait-on alors, que les juges consulaires ( des tribunaux de commerce),eux aussi non professionnels, la portent ? Avis aux historiens :poursuivez votre recherche !
Quant au ruban bleu et rouge qui supporte leur médaille d’audience,certains historiens du mouvement ouvrier y voient plutôt la marque de la Révolution Française (le bleu et le rouge,couleurs des sans-culottes parisiens ) Mais là encore,hypothèse peut-être plus vraisemblable, mais non étayée,la couleur blanche du drapeau républicain ayant été évacuée . Pourquoi ? Trop royaliste ?
Et pourquoi est-ce le ruban noir qui fut imposé dans le décret impérial de 1806,alors que le bleu et le rouge comme le blanc sont bien les couleurs du drapeau de l’Empire ,dans la droite continuité de la Révolution ?
L’Histoire n’est pas un long fleuve tranquille…
Merci pour votre article. J’ai une question en amont du port de la médaille par les conseillers prud’hommes. Pourquoi ceux-ci portent-ils une médaille, incarnation de leur mission, et non une robe comme les autres magistrats, statut qui est le leur.
S’agit-il d’un historique ? D’une volonté des magistrats issus de l’ENM de ne pas être « comparés » aux magistrats non professionnels (qu’ils pourraient considérer comme « amateurs ») ? D’une volonté de la République de distinguer le Droit du Contrat de Travail du reste des autres juridictions ?
Une couleur, marque, … ‘une robe pouvant tout à fait distinguer un magistrat d’un magistrat non professionnel comme le conseiller prud’homal.
Merci par avance.
C’est effectivement une pratique historique.
pour le moment, je n’ai pas trouvé de réponse sérieuse à la question « pourquoi le ruban de la médaille est-il bleu et rouge; j’ai vu que le ruban a d’abord été noir, puis, ensuite, que la couleur pouvait être décidée par arrêté ministériel, ainsi, les prud’hommes pêcheurs de Marseille ont eu un ruban de couleur verte.
Aujourd’hui, la couleur du ruban est identique pour tous les Conseils de prud’hommes: bleu et rouge, mais depuis quand et pourquoi ? pas moyen pour le moment de trouver une réponse sérieuse, quelqu’un a une idée ?
Historiquement, le Premier Conseil de Prud’hommes était situé entre « Rhône et Saône », autrement-dit à Lyon. L’Instauration de ces Premiers « Juges du Travail » date de 1806.
C’est pourquoi les deux couleurs primaires « Rouge et Bleu », qui bordent le collier tissé de chaque Médaille – Emblèmes portés au CPH par les conseillers ordinaires et les conseillers présidents -, sont aussi celles qui figurent sur les armoiries de la Ville de Lyon.
Pour l’ensemble de ces juridictions paritaires réparties dans toute la France, ce système bicolore (supportant la Marianne) – que chaque membre du CPH en fonction doit porter – est en tout point identique à celui de l’étoffe des drapeaux de la Ville de Lyon qui flottent vers le haut.
Véritable clin d’œil à cette Institution, vieille de 211 années & si particulière sur l’échiquier des juridictions françaises.
Je vous remercie vivement pour ces informations précieuses qui complètent utilement mon article.
Pourquoi le ruban de la médaille est-il bleu et rouge ? Que représente ces couleurs ? Merci.
Je vous remercie pour cette question très intéressante.J’ai quelques éléments de réponse à vous apporter mais je dois faire quelques vérifications préalables avant de vous répondre.
Mon article ayant suscité quelques questions en dehors de la rubrique commentaires, je vais publier dans les prochains jours un article le complétant dans lequel vous trouverez, je l’espère, la réponse à votre question.