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Visite médicale d’embauche : l’employeur doit s’assurer qu’elle est bien réalisée par la médecine du travail

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L’article R4624-10 alinéa 1er du code du travail précise : « Le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail ».

Pour certains salariés, qui bénéficient d’une surveillance médicale renforcée, cette visite doit avoir lieu avant l’embauche (article R4624-10 alinéa 2).

  • A quoi sert la visite médicale d’embauche ?

L’article R4624-11 précise :

L’examen médical d’embauche a pour finalité :

1° De s’assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l’employeur envisage de l’affecter ;

2° De proposer éventuellement les adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes ;

3° De rechercher si le salarié n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs ;

4° D’informer le salarié sur les risques des expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire ;

5° De sensibiliser le salarié sur les moyens de prévention à mettre en œuvre.

La visite médicale d’embauche permet en premier lieu de vérifier l’aptitude du salarié à son emploi.

En outre, l’examen médical d’embauche a d’autres finalités, ainsi que le précise l’article R4624-11, notamment « de rechercher si le salarié n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs ».

Il a ainsi été jugé, dans une affaire où l’employeur n’avait pas fait passer à son salarié la visite annuelle alors obligatoire (aujourd’hui elle ne doit être organisée que tous les deux ans), que cela avait pu entraîner un retard dans le dépistage de la tuberculose dont souffrait le salarié, lui causant un préjudice (Cour de cassation, chambre sociale, 24 avril 2001, n°de pourvoi 99-42346).

Dans un arrêt plus ancien, il a été jugé que l’employeur devait être tenu de réparer les conséquences de son retard dans l’organisation de la visite médicale (la salariée avait découvert, lors d’un examen médical prénuptial, qu’elle était atteinte d’une affection pulmonaire, laquelle l’avait obligée à interrompre toute activité professionnelle pendant plus de deux ans; elle reprochait à son employeur de n’avoir pas fait procéder aux visites médicales annuelles obligatoires qui auraient pu, selon elle, permettre de dépister plus tôt cette affection) (Cour de cassation, chambre sociale, 10 juin 1976, n°de pourvoi 75-40329).

Ces solutions, rendues pour un défaut de visite périodique, sont tout à fait transposables dans le cas d’un défaut de visite médicale d’embauche.

Enfin, avec la réforme de la médecine du travail intervenue en 2011-2012 (loi du 20 juillet 2011 et décrets du 30 janvier 2012), le législateur a voulu accentuer la prévention et  l’examen d’embauche  comporte deux nouvelles finalités:

– informer le salarié sur les risques des expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire;

– le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre.

  • Qui doit organiser la visite médicale d’embauche ?

L’article R1221-2 du Code du travail précise :

Au moyen de la déclaration préalable à l’embauche, l’employeur accomplit les déclarations et demandes suivantes :

1° L’immatriculation de l’employeur au régime général de la sécurité sociale, s’il s’agit d’un salarié non agricole, prévue à l’article R. 243-2 du code de la sécurité sociale ;

2° L’immatriculation du salarié à la caisse primaire d’assurance maladie prévue à l’article R. 312-4 du code de la sécurité sociale ou, s’il s’agit d’un salarié agricole, à la caisse de mutualité sociale agricole prévue à l’article R. 722-34 du code rural et de la pêche maritime ;

3° L’affiliation de l’employeur au régime d’assurance chômage prévue à l’article R. 5422-5 du présent code ;

4° La demande d’adhésion à un service de santé au travail, s’il s’agit d’un salarié non agricole, prévu à l’article L. 4622-7 du présent code ;

La demande d’examen médical d’embauche, prévu à l’article R. 4624-10 du présent code, ou, s’il s’agit d’un salarié agricole, à l’article R. 717-14 du code rural et de la pêche maritime ;

6° La déclaration destinée à l’affiliation des salariés agricoles aux institutions prévues à l’article L. 727-2 du code rural et de la pêche maritime.

Conformément aux dispositions de l’article R1221-2 du Code du travail, l »employeur doit déclarer le salarié.

Cette formalité déclenche, en principe, l’organisation  de la visite médicale d’embauche par le service de santé au travail.

Toutefois, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, il appartient à l’employeur d’assurer « l’effectivité » de la visite.

En clair, il  incombe à l’employeur, non seulement de déclarer l’embauche du salarié mais également de prendre les dispositions nécessaires – au besoin en relançant le service de santé au travail – pour que le salarié soit bien soumis à la visite médicale d’embauche dans les délais légaux.

La Cour de cassation a jugé, à plusieurs reprises, qu’il appartient à l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, d’assurer l’effectivité de la visite médicale d’embauche. En d’autres termes, il appartient à l’employeur de solliciter la médecine du travail afin que la visite médicale d’embauche intervienne dans le délai prévu par l’article R4624-10 du code du travail, c’est-à-dire « au plus tard avant l’expiration de la période d’essai » (Cour de cassation chambre sociale, 5 octobre 2010, n°de pourvoi 09-40913Cour de cassation, chambre sociale, 17 octobre 2012, n°de pourvoi 10-14248 (pour l’absence de visite médicale d’embauche d’une employée de maison).

Ce délai peut, parfois, être extrêmement court, notamment lorsque l’embauche concerne un contrat à durée déterminée de courte durée: dans une affaire jugée en juillet 2012, un salarié, embauché sous CDD pour une durée totale de 17,50 heures avec une période d’essai de deux jours, la Cour de cassation a considéré qu’il appartenait à l’employeur de prendre les dispositions nécessaires pour soumettre le salarié à la visite médicale d’embauche (cf (Cour de cassation, chambre sociale 11 juillet 2012 n°11-11709).

  • Que risque l’employeur si la visite médicale d’embauche n’a pas lieu ou si elle a lieu tardivement ?

De façon récurrente, la Cour de cassation juge que l’absence de visite médicale d’embauche cause nécessairement un préjudice au salarié.

Dans une affaire évoquée par la Cour de cassation en juillet 2012, un salarié engagé sous contrats à durée déterminée pour des animations commerciales avait sollicité des dommages-intérêts pour absence d’examen médical d’embauche.

Le Conseil de prud’hommes n’avait pas fait pas droit à sa demande pour les motifs suivants : « si l’employeur avait l’obligation de faire passer la visite médicale d’embauche, il reste que le salarié, de mauvaise foi produit un certificat médical, qui ne démontre aucun lien de cause à effet entre son état dépressif et l’absence de visite d’embauche à l’occasion de la conclusion d’un contrat à durée déterminée contrat précaire, alors qu’il a par ailleurs exercé d’autres emplois précaires pouvant justifier son état de santé ».

Peu importe selon la Cour de cassation: « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, doit en assurer l’effectivité, en sorte que le manquement à son obligation cause nécessairement un préjudice au salarié dont le juge doit fixer la réparation » (Cour de cassation, chambre sociale, 11 juillet 2012, n°de pourvoi 11-11709).

La cour de cassation précise toutefois que « l’employeur avait manqué à son obligation en ne prenant pas les dispositions nécessaires pour soumettre le salarié à la visite médicale d’embauche« .

Cette précision laisse supposer que la décision aurait pu être différente si l’employeur avait sollicité le service de santé au travail en temps utile afin qu’il organise la visite médicale d’embauche.

En ce cas, on peut imaginer que l’employeur aurait un recours en responsabilité contre le service de santé au travail s’il apparaît que, par la tardiveté de l’organisation de la visite d’embauche, pourtant demandée en temps utile – c’est-à-dire dès l’embauche – ,  il en est résulté un préjudice pour l’employeur, condamné à verser au salarié des dommages-intérêts dans le cadre d’une procédure prud’homale.

Dans une affaire évoquée en décembre 2013 par la Cour de cassation, et publiée au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, cette juridiction a de nouveau réaffirmé sa position: « le manquement de l’employeur qui a fait travailler le salarié au delà de la période d’essai, sans s’assurer de la réalisation, par le médecin du travail, d’une visite médicale d’embauche afin de vérifier l’aptitude de l’intéressé à occuper le poste, cause nécessairement à celui-ci un préjudice » (Cour de cassation, chambre sociale, 18 décembre 2013 n° de pourvoi 12-15454). Dans cette affaire, le salarié avait sollicité une indemnité de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts; il faudra attendre la décision de la Cour d’appel de Paris pour connaître le montant définitif alloué à l’intéressé, si la Cour condamne l’employeur.

Il a en revanche été jugé qu’un simple retard dans la mise en œuvre de la visite médicale d’embauche ne cause pas de préjudice au salarié (Cour d’appel de Versailles , 15ème chambre, 16 février 2011 – n°RG 10/01154).

Ce qu’il faut retenir: l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour rendre la visite médicale d’embauche effective , en sollicitant, au besoin, et dès que possible, le service de santé au travail; à défaut, il s’expose à devoir verser des dommages-intérêts au salarié privé de cette visite.

L’auteure de cet article

Cet article a été rédigé par Maître Nathalie Lailler, avocate spécialiste en droit du travail, de la sécurité sociale et de la protection sociale.

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